« Les hommes doivent apprendre aussi à rendre hommage »
Nietzsche, Gai savoir (§ 100)
Jeudi 05 mars 2020 de 18h à 19h30
Amphithéâtre du lycée Blaise Pascal (22 rue Blaise Pascal, Anse-Vata)
Entrée gratuite
Résumé de l’exposé : on ne saurait trop mesurer, deux ans après sa mort, l’ampleur des travaux et des recherches d’Alban Bensa et leur portée, non seulement dans le champ de l’anthropologie mais aussi dans celui de l’étude des sociétés kanak. Cette conférence à deux voix sera tout d’abord l’occasion de rendre hommage à l’homme que fut Alban Bensa et à l’engagement qui fut le sien, tant scientifique que politique et humain. La valeur de l’homme étant intimement liée à la valeur de l’œuvre, c’est surtout à une présentation synthétique – ainsi qu’à une discussion critique – de cette dernière que sera consacré l’exposé. Véritable défi tant l’œuvre est riche et se dédouble en deux directions distinctes quoique complémentaires. Tout d’abord du côté scientifique où Bensa-chercheur a élaboré tout au long de sa carrière une véritable anthropologie critique appelant à rompre avec les conceptions figées de la culture, la fascination pour l’Altérité ou encore les mirages de l’ « exotisme », véhiculées par les grands courants de la discipline (qu’il s’agisse du fonctionnalisme d’un Malinowski ou du structuralisme d’un Lévi-Strauss). Aux antipodes de l’approche anthropologique classique qui prend la forme d’une véritable « banque du rêve », Bensa milite à la fois pour une anthropologie historique, qui replace les sociétés étudiées dans leur devenir et leur interaction avec le monde contemporain, et pour une anthropologie de l’action, qui entend montrer comment l’acteur et ses stratégies singulières renouvellent la donne culturelle à l’échelle microsociale et ne se laissent pas dissoudre dans des effets de structure. On aurait pourtant tort de penser que ce travail épistémologique n’a qu’une valeur théorique : l’anthropologie critique et historique de Bensa va trouver à s’appliquer à l’étude fine et patiente des sociétés kanak du centre nord de la Nouvelle-Calédonie. De 1973 à 2021 (date de sa mort), Bensa n’aura eu de cesse d’apprendre et de parler les langues paicî et cèmuhî, de recueillir des récits, des généalogies et des itinéraires de clans, et surtout d’élaborer une œuvre polyphonique qui mêle chercheur et narrateur kanak en visant une véritable « décolonisation de la recherche ». En définitive, la Nouvelle-Calédonie peut être fière d’avoir eu un anthropologue et un chercheur de la trempe d’Alban Bensa, qui lui aura consacré une grande partie de sa vie et de son œuvre.
Conférence animée par Hamid Mokaddem et Matthieu Solier,
suivie d’échanges et de discussions.
Recommandations bibliographiques
Pour le versant théorique :
→ La fin de l’exotisme : essais d’anthropologie critique (2006)
→ Chroniques Kanak : l’ethnologie en marche (1995) (sur l’engagement historique et
politique de l’ethnologue)
Pour l’œuvre ethnologique sur l’étude des sociétés kanak :
→ Les Chemins de l’alliance : l’organisation sociale et ses représentations en NC (avec
Jean-Claude Rivierre, 1982)
→ Les sanglots de l’aigle pêcheur. Nouvelle-Calédonie : la Guerre kanak de 1917 (avec
Kacué Yvon Goromoedo et Adrian Muckle, 2015)
Vidéos YouTube : voir ou écouter la remarquable série de 10 vidéos de la
chaîne : Les Possédés et leurs mondes consacrée au parcours, aux recherches et à
l’engagement d’Alban Bensa.
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