Dans le cadre du cours d’EFCK (Éléments Fondamentaux de la Culture Kanak), des élèves de 1ère, accompagnés de leurs professeurs, Mme Chartier et M. Case, sont devenus les auteurs de contes mélanésiens. Découvrez chaque semaine sur notre site, l’une de ces créations littéraires…
LE CAGOU, ROI DES OISEAUX
Voici l’histoire du petit waco qaa dro1, et de l’extraordinaire aventure qui fit de lui le roi des oiseaux de la Nouvelle-Calédonie. Mais avant qu’il soit désigné souverain par ses semblables, le cagou était au contraire dédaigné de tous, et chacun se riait de lui, incapable qu’il était de prendre son envol et de dominer ainsi tous les habitants de la mer et de la terre.
À quoi servirait-il d’avoir des plumes et des ailes, si l’on ne pouvait s’élever dans les airs et connaître la liberté de glisser sur le vent, avec tout en bas le spectacle amusant des captifs de la terre se déplaçant tels des escargots.
Il fallait au cagou un temps considérable pour circuler à pattes dans la forêt, entre les racines et les rochers. Il était si lent que lors de la grande réunion annuelle de tous les oiseaux de l’île, il arrivait toujours après que soit désigné le roi des animaux à plumes pour l’année à venir. De toute façon, il savait bien qu’il n’avait aucune chance de devenir un jour leur chef. Certains doutaient même qu’il fallût le considérer comme l’un des leurs. En effet, le pauvre cagou était souvent ramené par ses congénères au rang de misérable terrien. Tous se moquaient de lui.
La frégate dit au héron :
– A-t-on vu animal plus ridicule, les pattes toujours pleines de terre !
La sterne dit au corbeau :
– On se demande ce qu’il fait de ses ailes ! Peut-être lui servent-elles à chasser les mouches !
Le pigeon dit à la perruche :
– Il n’a que sa huppe pour s’élever de quelques centimètres !
Mais, malgré ces remarques, le cagou avait accepté sa différence et vivait indifférent.
Il arriva une année où l’été fut d’une exceptionnelle chaleur.
Tous les oiseaux cherchaient un peu de fraîcheur à l’ombre des grands arbres ou se rendaient au bord des rivières en espérant y trouver un air plus respirable.
Voulant aider, le cagou proposa aux autres oiseaux de venir profiter avec lui de la fraîcheur de la forêt dense et humide où il vivait. Bien trop fiers, ceux-ci ignorèrent avec mépris cette proposition venant d’un être aussi insignifiant.
Mais voilà que la pluie commença à tomber intensément, et le vent se mit à souffler de plus en plus fort, tant et si bien que les oiseaux comprirent qu’un cyclone se préparait. Ils étaient habitués aux cyclones et savaient se protéger dans les grands arbres. Mais cette fois-ci, ce ne fut pas un cyclone comme les autres. Il était exceptionnellement puissant.
Le vent ne cessa d’augmenter. La pluie bâtait le sol de plus en plus fort. Les arbres pliaient et se brisaient dans la tourmente. La végétation tout entière était arrachée et emportée par les torrents d’eau qui dévalaient des collines. Plus aucun oiseau n’avait où s’abriter.
C’est alors qu’ils pensèrent au cagou qui s’était montré si hospitalier, aimable et fraternel. Ils décidèrent d’aller lui demander de l’aide.
Le cagou les accueillit de bon cœur, malgré toutes les humiliations qu’il avait subies. Il montra à chacun où trouver les abris protecteurs de sa forêt dont il connaissait le moindre recoin : sous les racines des grands banians, dans les cavités de la roche, dans les troncs creux, entre les pierres espacées ou encore sous les solides racines des wadratha2. Après de longues heures durant lesquelles les éléments se déchaînèrent terriblement, le calme revint progressivement, et chacun put sortir sain et sauf du refuge que lui avait désigné le cagou.
Tous savaient qu’ils devaient leur survie au petit marcheur. A force d’être dans les airs, ne voulant rien savoir de la terre dont ils avaient fini par tout ignorer, les oiseaux étaient devenus bien incapables de s’y protéger.
L’année suivante, lors de la grande réunion des oiseaux, chacun attendit patiemment que le cagou fasse son entrée, en marchant comme il se doit. Et tous le désignèrent comme roi des oiseaux en le remerciement de la protection qu’il avait su leur apporter.
Depuis ce jour, plus aucun oiseau ne se moqua du brave petit cagou. Ils savaient maintenant que chacun d’entre nous, aussi modeste soit-il, peut un jour nous aider à surmonter une grave difficulté.
1 : Cagou
2 : Pandanus
Matthieu DUPLANT et Vincent IMASSI (1S2)
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